COMMUNAUTE FRANCAISE

cliquez sur les icones de gauche pour choisir la catégorie de mineur pour laquelle vous souhaitez avoir des informations.


DECRET PORTANT LE CODE DE LA PRÉVENTION, DE L’AIDE À LA JEUNESSE

ET DE LA PROTECTION DE LA JEUNESSE :

  

Le parlement de la Communauté française a approuvé le 17 janvier 2018 le texte du décret portant le code de la prévention, de l’aide à la jeunesse et de la protection de la jeunesse (que nous nommerons « code de la jeunesse » dans la suite de cet article).

 

Plus de 2 ans de travaux ont été nécessaires pour redéfinir la prise en charge des mineurs en danger et délinquants en Communauté française – région wallonne.

 

Le premier avant-projet du code avait suscité une vive réaction du secteur, allant de l’étonnement à une hostilité certaine, tant il faisait évoluer les compétences entre les différents acteurs de l’aide et de la protection de la jeunesse et créait des dispositifs alambiqués. Les versions qui ont succédé au texte initial ont réduit les prétentions de leurs auteurs, si bien que le décret qui vient d’être voté apparait plus comme une évolution qu’une révolution. Notons que, lors de l’élaboration du décret, la concertation avec les acteurs de terrain (sollicitation de nombreux avis, travail au CCAJ, organisation d’auditions,…) a eu un réel impact sur le texte final et n’a pas servi de faire-valoir destiné à donner un vernis collaboratif aux options unilatéralement  choisies par les auteurs du décret. C’est assez rare que pour être souligné.

 

La Communauté française se voit dotée d’un nouveau texte qui remplace tant l’ancien décret de l’aide à la jeunesse du 4 mars 1991 et abolit une bonne partie de la loi protectionnelle du 8 avril 1965.

 

L’ensemble de la matière est désormais rassemblé dans un « code » composé de 186 articles répartis en 8 livres :

  • Livre préliminaire. - Les principes et droits fondamentaux et les définitions.
  • Livre Ier. - La prévention.
  • Livre II. - Les autorités administratives sociales (conseiller et directeur de la protection de la jeunesse).
  • Livre III. - Les mesures d’aide aux enfants et à leur famille.
  • Livre IV. - Les mesures de protection des enfants en danger.
  • Livre V. - Les mesures de protection des jeunes poursuivis du chef d’un fait qualifié infraction commis avant l’âge de dix-huit ans.
  • Livre VI. - Les instances d’avis et les instances de concertation.
  • Livre VII. - L’agrément des services, les subventions et l’évaluation.
  • Livre VIII. - Les dispositions financières, générales, pénales et finales.

 

Les trois lignes de forces de la prévention, de l’aide et de la protection de la jeunesse ont été maintenues :

 

  • L’aide sociale générale, qui s’adresse à tous les jeunes et leurs familles, demeure le socle de l’intervention sociétale et est le point d’horizon vers lequel tous les acteurs de l’aidé spécialisée ou de la contrainte doivent tendre. Elle est complétée par une « prévention spécialisée » qui s’étend désormais aux jeunes jusqu’à l’anniversaire de leurs 22 ans. Nouvel acteur créé par le décret, le chargé de prévention coordonnera désormais les actions dans ce domaine.

 

  • L’aide à la jeunesse constitue toujours la deuxième ligne du dispositif. Le capitaine du SAJ (service de l’aide à la jeunesse) demeure le conseiller même si ses compétences ont été rabotées (suppression de la section de prévention, renvoi direct de certaines situations vers le directeur de la protection judiciaire). Volontaire et spécialisée, l’aide à la jeunesse s’adresse aux jeunes en difficulté ou en danger et à leurs familles et recoure à des services mandatés permettant un travail en famille ou exceptionnellement un placement. Grande nouveauté, le mineur de 12 ans (contre 14 ans actuellement) devra marquer son accord dans le cadre des programmes d’aide définis au SAJ. Pour ce faire, il se voit automatiquement désigner un avocat spécialisé en droit de la jeunesse. L’accès au dossier du conseiller est simplifié de même que les règles permettant d’en prendre copie. Des exigences de motivation renforcent les droits individuels des parties. La compétence territoriale du SAJ est déterminée par la résidence des personnes qui exercent l’autorité parentale et non plus par le domicile du jeune. Notons encore le focus mis sur l’accueil familial qui devient la formule d’éloignement familial à privilégier. La loi du 19 mars 2017 relative au statut des accueillants familiaux offre désormais un cadre juridique plus clair pour les candidats accueillants.

         Par ailleurs, la mise en place d’un « projet pour l’enfant » permet aux conseillers et directeurs de l’aide à

         la jeunesse de penser l’intervention spécialisée sur une durée qui dépasse celle de la révision annuelle.

 

  • La protection de la jeunesse apparait toujours comme le recours extrême pour les mineurs en danger pour lesquels l’aide volontaire est inopérante (défaut d’accord ou non adhésion à la mise en œuvre du programme d’aide). Le passage vers les mesures contraignantes s’effectue différemment selon que l’on se trouve en Wallonie (binôme : tribunal de la jeunesse, directeur de la protection judiciaire) ou à Bruxelles et en Flandre (tribunal de la jeunesse uniquement). Le nouveau décret apporte donc des modifications qui valent uniquement pour la Wallonie lorsqu’un mineur en danger doit faire l’objet de mesures contraignantes. 
  • Le code reproduit la procédure de saisine urgente du tribunal de la jeunesse qui existait déjà dans le décret de 1991 en modifiant la durée de la mesure de placement provisoire (30 jours + 45 jours). L’articulation entre le tribunal qui constate la nécessité du recours à la contrainte et fixe le cadre général et le directeur de la protection judiciaire qui met la mesure en application est globalement reconduite.

          La durée des mesures prises par le directeur est d’un an maximum.

 

La protection de la jeunesse vise aussi les mesures applicables aux mineurs ayant commis un fait qualifié infraction. Dans ce cas, le tribunal de la jeunesse reste l’acteur principal en Communauté française .


Les dispositifs mis en place pour les mineurs délinquants par le code de la jeunesse s’inscrivent dans l’esprit de la loi du 8 avril 1965 et maintiennent une approche protectionnelle, c’est-à-dire centrée sur le mineur et non sur le fait infractionnel. Ce point est d’autant plus important que le décret néerlandophone s’inscrit dans une logique sanctionnelle, voire pénale centrée sur le fait et opérant une césure claire entre mineurs délinquants et mineurs en danger.

 

Par rapport aux mineurs en conflit avec la loi, le code apporte les modifications suivantes :

 

  • Une très longue section est consacrée aux IPPJ. Elle définit les droits des mineurs placés dans les institutions publiques ouvertes ou fermées et les procédures de recours interne et externe contre les sanctions disciplinaires. Des commissions de surveillance seront mises sur pied pour vérifier le respect de ces dispositions.
  • Le parquet a la possibilité d’adresser au jeune et à sa famille une lettre d’avertissement et de rappel à la loi. Il peut aussi proposer une médiation qui, en cas de réussite, entrainera l’extinction des poursuites.
  • En cas de saisine du tribunal de la jeunesse, nous retrouvons une phase préparatoire limitée à 9 mois sauf exception, puis une audience publique.
  • Les mesures que le juge peut prendre en phase préparatoire ou lors de l’audience restent globalement les mêmes. Les offres restauratrices sont privilégiées de même que le projet du jeune.
  • Pour les faits commis par un jeune de moins de 12 ans, seule la réprimande est applicable.


L’article visant le dessaisissement a aussi fait l’objet de multiples réécritures. Le résultat final est interpellant. En effet, si la première partie de l’article 125 du code de la jeunesse se montre beaucoup plus restrictif en imposant un placement préalable en IPPJ fermé pris par jugement définitif avant toute possibilité de dessaisissement pour de nouveaux faits d’une certaine gravité, la seconde partie de l’article propose une dérogation qui, selon nous, crée quasi une majorité pénale à partir de 16 ans.


Le simple fait qu’un jeune ait commis un fait qualifié infraction d’une certaine gravité permet au tribunal qui estime les mesures protectionnelles inadéquate de se dessaisir quand :

  • le fait pour lequel le jeune est poursuivi est un fait qui, s’il avait été commis par une personne majeure, aurait été de nature à entraîner, au sens du Code pénal ou des lois particulières, une peine de réclusion de dix à quinze ans ou une peine plus lourde ;
  • le jeune ne collabore pas aux mesures provisoires ou s’y soustrait ;
  • l’âge du jeune au moment du jugement, qui n’est pas dû à la durée anormalement longue de la procédure, rend inopérant le recours à une mesure de protection.

Autrement dit, un jeune de 17 ans ¾, inconnu du tribunal jusqu’à présent, qui commettrait un homicide défrayant la chronique, pourrait être dessaisi simplement parce qu’on estime que la durée des mesures qui pourraient lui être appliquées (par exemple un placement en IPPJ) serait inopérantes eu égard à son âge avancé. La proportionnalité entre la gravité du fait et la durée des mesures serait jugée trop réduite et par elle-même rendrait le dessaisissement possible. Le critère de non collaboration du jeune est lui aussi très flou, permettant une application large du dessaisissement. Bref, nous sommes aux antipodes de la volonté exprimée initialement par les auteurs du décret.


Suite à la 6ème réforme constitutionnelle de l’Etat, les communautés ont du définir leur réaction par rapport aux mineurs délinquants. Le droit de la jeunesse est donc en ébullition et la sensibilité de chaque communauté, longtemps atténuée par le biais du caractère fédéral de la loi, est apparu plus clairement.

 

Elaborer une nouvelle norme par rapport à cette catégorie de mineurs nous renvoie au regard que notre société porte sur « ses/ces » jeunes.

La loi du 8 avril 1965 développait une approche bienveillante, même si l’on pouvait la qualifier de « trop paternaliste ». Loin de promouvoir l’irresponsabilité, elle inscrivait le mineur qui avait trébuché et l’adulte dans une responsabilité solidaire qui permet à l’enfant de grandir pour à son tour devenir responsable de la génération suivante.

 

Depuis la loi du 8 avril 1965, l’air du temps a changé. Il s’est contracté, laissant place à une approche « gestionnaire » où l’efficacité et l’obligation de résultat s’inscrivent souvent en porte-à-faux avec la temporalité des familles, voire l’éducation en général.

Il n’est dès lors pas certains que les futures politiques de l’aide et de la protection de la jeunesse  soient aussi généreuses avec les mineurs qui franchissent la ligne rouge.

 

(publié en mai 2019. Auteur: A de Terwangne)