Communauté flamande – Mineur en conflit avec la loi :

 

NOUVELLE POLITIQUE EN MATIERE DE DELINQUANCE JUVENILE EN FLANDRE :

 

Le décret du 15 février 2019 relatif au droit en matière de délinquance juvénile opère un changement majeur de paradigme.

Il abandonne le modèle protectionnel centré sur le jeune pour un modèle sanctionnel centré sur la réaction à apporter à l’acte délictuel. Les auteurs du texte s’en défendent et expliquent ne plus se référer à aucun modèle de manière unique mais il convient d’admettre que l’approche protectionnelle n’est plus du tout le guide de l’action du juge de la jeunesse. En témoigne notamment, les critères dont il devra tenir compte pour prendre sa décision, la gravité des faits est le premier de ceux-ci.

 

Cette nouvelle approche, voulue depuis longtemps en Flandre, repose notamment sur l'idée que les jeunes doivent être considérés et approchés de manière plus explicite en tant que jeunes responsables, plutôt que comme incapables, irresponsables et susceptibles d'être protégés.

 

L’accent est donc mis sur la responsabilisation des jeunes. Ceux-ci doivent rendre des comptes.

Une réponse claire au délit juvénile a pour objectif de confirmer la norme et son effectivité tant au mineur de manière individuelle que vis-à-vis de la collectivité par ricochet.

 

L’objectif du décret est de permettre une réponse claire, rapide et normalisatrice aux infractions commises par des jeunes.  Pour ce faire, le nouveau décret entend offrir au tribunal de la jeunesse une large gamme de réponses rapides et constructives à la délinquance juvénile.

 

S’éloignant d’un modèle protectionnel, le décret néerlandophone privilégie un principe de proportionnalité décrit comme un principe de droit important lorsqu'il s'agit de donner des réponses claires à un délit juvénile.

Cette notion de rétributivité est l’un des piliers du droit pénal. Le décret choisit néanmoins de ne pas

travailler avec un système de tarification mais avec l'introduction de plafonds. La durée maximale d'une réponse doit être clairement définie à l'avance.

Il convient de rappeler que cette idée de durée maximale de la sanction avait déjà été introduite dans la loi du 8 avril 1965 par les lois de 2006.

Seul le jeune de 12 ans et plus pourra être sanctionné et l’action du tribunal de la jeunesse pourra s’étendre jusqu’à ses 23 ans (voire même 25 ans en cas de sanction visant à la placer en milieu fermé pour une durée de 7 ans).

 

Le décret octroie une place importante à la réparation (médiation, concertation restauratrice en groupe) ce qui permet de prendre en compte la victime.

 

Les parents du mineur sont aussi impliqués. Ils doivent être partenaires tout au long du processus.

 

Au-delà de la rapidité de la réponse sociétale à l’acte délinquant du mineur, les auteurs insistent aussi sur le caractère constructif de celle-ci qui doit impliquer le jeune (projet positif, réparation,…). La réponse sociale doit être adaptée aux besoins, ressources et limites du jeune.

 

Le droit de l’aide et de la protection de la jeunesse en Communauté flamande distingue donc clairement la réponse à un éventuel besoin d’aide de la réaction à l’acte délictuel du jeune.

Ces deux situations seront traitées dans des cadres différents, chacun ayant sa propre finalité.

Rien ne s’oppose à ce que ces deux réactions soient appliquées de manière cumulative.

 

Comme, c’était le cas dans les réformes antérieures, le décret accorde une importance explicite aux  garanties judiciaires telles que :  la légalité de la procédure, la proportionnalité et la subsidiarité des  mesures/sanctions, l’assistance d’un avocat, … . 

 

CONTENU DU DECRET :

 

Le décret sur le droit en matière de délinquance juvénile du 15/2/2019 contient 89 articles uniquement centré sur le mineur en conflit avec la loi.

Son chapitre 3 vise l’intervention du procureur du roi (art. 7 à 13)

Le chapitre 4 vise quant à lui les mesures au niveau du tribunal de la jeunesse (art.14 à 41)

 

Rôle du procureur du roi :

 

Le procureur du roi demeure le sésame permettant l’accès au tribunal de la jeunesse (pas de saisine directe par une partie civile).


Ces pouvoirs sont accrus. Ainsi, lorsque des faits qualifiés infractions sont portés à sa connaisance, il peut :

  • Relaxer le jeune et demander un complément d’enquête.
  • Le renvoyer vers l’aide intégrale à la jeunesse.
  • Décider d’un classement sans suite motivé (art. 8 D.fl.)
  • Envoyer une lettre d’avertissement au jeune et aux parents et classement sans suite (art. 9 D.fl.).
  • Convoquer le jeune et lui faire un rappel à la loi (art. 10 D.fl.)
  • Faire un classement sans suite conditionné (art. 11 D.fl.). Il s’agit d’une nouveauté qui accroit largement la compétence du procureur du roi
  • Les conditions peuvent être :

         1° l'interdiction de séjourner dans des lieux déterminés ;
         2° l'interdiction de rechercher ou d'inquiéter certaines personnes nommément citées ;
         3° le suivi d'une formation scolaire ou professionnelle ;
         4° le suivi d'un projet d'apprentissage d'une durée maximale de trente heures ;
         5° la soumission aux directives d'un centre ambulatoire de santé mentale, d'éducation sexuelle ou d'un centre de traitement de l'alcoolisme et de la toxicomanie, d'une durée maximale de trente heures ;
        6° la prise de contact avec un service d'aide organisé par la  communauté.

         Les conditions imposées par le PR sont limitées à 6 mois


  • Proposer une médiation (art. 12 D.fl.)
  • Proposer un projet positif (art. 13 D.fl.)
  • Saisine du TJ: art 12§1: PR propose par écrit médiation...

 

  Le parquet devient une antichambre du tribunal de la jeunesse. Un premier SAS qui pourra éviter au mineur le renvoi vers un juge, en cas de respect des conditions imposées. 


Rôle du tribunal de la jeunesse :


ATTENTION: si la majeure partie du décret relatif à la délinquance juvénile est entré en vigueur au 1/9/2019, les articles relatifs aux placements en institution communautaire (durée de quelques mois à 7 ans) ne sont pas entrés en application car ils nécessitent une refonte des IC. De même, la possibilité de recourir à une mesure/sanction de remplacement en cas de non- respect de la décision principale n’est pas entré en vigueur.
Le praticien du droit de la jeunesse devra donc jongler entre la loi du 8/4/1965 et le nouveau décret pour avoir l’éventail des mesures/sanctions applicables au mineur.

 

La saisine du juge entrainera le départ d’une phase préparatoire d’une durée de 6 mois qui pourra être prolongée dans certains cas (art.21) et suspendue par les procédures d’appel.

Le dépassement des délais est sanctionné par la fin des mesures provisoires en cours.

 

Durant cette période, le juge peut prendre les mesures provisoires suivantes :

  • Médiation et CRG: (art. 20,22 et fl.)
  • Surveillance (tjrs lorsqu’une mesure est prise)
  • 1° Projet positif du mineur: max 60h (art.23 D.fl.)
  • 2° Mesure ambulatoire (art. 24 et 25 D.fl.)
  • 3° Conditions spécifiques (art. 25 D.fl.)
  • 4° Placement en institution communautaire 1 mois (art. 26 D.fl.)
  • 5° Placement en institution communautaire fermée 3 mois (art. 27 D.fl.) (Donc pas de placement dans un centre privé style SAAE)


Hiérarchie: offre restauratrice est privilégiée par rapport aux mesures. Les mesures visées aux 1° à 3° sont privilégiées par rapport aux mesures de placement.


Un cumul entre différentes mesures est possible.


Le juge pourra modifier ses mesures à tout moment (art.16) La victime est informée de la décision de réexamen de la mesure ou de la sanction.

 

Au terme de la phase préparatoire, le dossier est renvoyé au PR pour qu’il cite les parties à une audience publique du tribunal de la jeunesse.


Le tribunal pourra prendre les mesures ou sanctions suivantes :

  • 1 Médiation et CRG: (art. 20,22 et  D.fl.)
  • 2,1° Réprimande (Art. 31 D.fl.)
  • 2,2° Aucune mesure
  • 2,3° Projet positif du mineur: max 220h (art.32 D.fl.)
  • 2,4° Sanction ambulatoire (obligation d’un suivi psy, alcoolisme, toxicomanie,… / art. 33 D.fl.)
  • 2,5° Des conditions (art. 34 D.fl.)
  • 2,6° Placement en institution communautaire 1 mois (art. 35 D.fl.)
  • 2,7° Placement en institution communautaire fermée 3,6 ou 9 mois (art. 36 D.fl.)
  • 2,8° Placement en institution communautaire fermée 2,5 ou 7 ans (art. 37 D.fl.)
  • + Surveillance (tjrs lorsqu’une sanction est prise)
  • 4  Surveillance électronique à la place d’un placement.

 

Le placement en institution communautaire peut donc s’étendre jusque 7 ans et amener un jeune de plus de 16 ans au moment des faits à être enfermé jusque l’âge maximum de 25 ans dans le cadre des conditions strictes prévues par l’article 37 du décret.

Un jeune ayant entre 12 et 14 ans  ayant commis un FQI grave pourra faire l’objet d’une sanction de placement fermé de 2 ans tandis qu’un jeune de 14 à 16 ans pourra être enfermé durant 5 ans.


Par ailleurs, si le jeune ne respecte pas ses engagements, le décret permet au juge de définir une sanction de remplacement dès le jugement.

 

Une procédure en dessaisissement est aussi prévue par le décret flamand relatif à la délinquance juvénile mais elle est plus limitée.


Les conditions prévues à l’article 38 D.fl. pour un dessaisissement sont les suivantes :

1) Avoir au moins 16 ans au moment où le FQI est commis

2) Le tribunal estime inadéquate les sanctions de l’article 29§2

3) Placement antérieur en centre communautaire (prévu aux article 35 à 37)

4) Gravité du FQI: (le fait pour lequel le jeune est poursuivi est :

  > articles 373, 375, 393, 394, 395, 396, 397, 400, 401, 417ter, 417quater, 468, 469, 470, 471, 472, 473, 474 et 475 du Code pénal ou une tentative de commettre un fait tel que visé aux articles 393, 394, 395, 396 et 397 du Code pénal  

  > articles 136bis, 136ter, 136quater, 136sexies, 137, 140 et 141 du Code pénal

5) Obligation d’avoir investigations spécifiques: (art. 38§3)

        Examen médico-psychologique et étude sociale

  • Exception:- Si le jeune refuse ou se soustrait à ces investigations

                            - Si le jeune a déjà fait l’objet d’une sanction par jugement                                  pour des fqi graves (art. 323,373,… code pénal) et est poursuivi

                            à nouveau pour des fqi graves.

                            -  Si le mineur, qui a commis un fait qualifié de crime et

                            passible d'une peine d'emprisonnement principal de plus de

                            vingt ans après avoir atteint l'âge de seize ans, n'est poursuivi

                            qu'après avoir atteint l'âge de dix-huit ans

 

L’obligation d’un placement antérieur dans un centre communautaire est un frein au dessaisissement mais il doit être tempéré par la possibilité pour le tribunal de prononcer une sanction allant jusqu’à 7 ans d’emprisonnement.

 

Droits spécifiques reconnus au jeune et à sa famille :

 

Art. 15 D.fl.: Droit d’être entendu avant que juge ne s’exprime sur la requête du PR et prenne mesure (exception: mineur introuvable ou état de santé ne permettant pas de l’entendre).
Comparution personnelle ou vidéoconférence (après concertation avec son avocat)
§2: Droit à l’assistance d’un avocat. (+ art. 54bis Loi 65: désignation)
§3: Droit d’information des parents. Comparution personnelle des parents peut être demandé (elle n’est donc plus obligatoire)

MINEUR EN CONFLIT AVEC LA LOI - COMMUNAUTE FLAMANDE

DOCUMENTS:

Décret du 15 février 2019 sur le droit en matière de délinquance juvénile




PDF de formation

mineur en conflit avec la loi

Communauté flamande



Circulaire des procureurs généraux 09/2009




Trav préparatoires du décret du 15 févr 2019